L’image choque : un SDF avec un portable dernier cri. Pourquoi ? Une dépense injustifiée ? L’argent des pauvres est un objet de fantasmes : on l’imagine mal géré, mal utilisé, mal alloué. Pourtant, on s’interroge peu sur comment les pauvres eux-mêmes le gèrent, où va cet argent, ce qu’il devient et qui il enrichit. À partir d’exemples concrets de notre quotidien, ce livre vise à déconstruire notre perception du pauvre. Poser la question de l’argent des pauvres, c’est aussi s’interroger sur notre rapport à la consommation. La place du luxe ou du superflu dans nos dépenses. La nécessité – ou non – des « petits plaisirs » que l’on s’octroie.
L’ouvrage souligne à quel point les classes moyennes ou supérieures pensent qu’appliquer leurs propres stratégies de gestion de l’argent leur permettrait de mieux s’en sortir que les pauvres dans leur situation, ce qui est faux ; il décrit le regard moral que nous jetons sur l’argent et son utilisation ; et il martèle une idée qui est paradoxalement refusée dans le débat public : pour que les pauvres ne le soient plus, la solution la plus efficace est de… leur donner de l’argent.
Quelques idées-forces qu’il est urgent de faire circuler à l’heure où le gouvernement travaille à une grande réforme des minima sociaux. « Où va l’argent des pauvres ? Il est dépensé d’une manière tout à fait normale et rationnelle pour les pauvres. Oui, ceux-ci ont parfois des façons de l’utiliser qui s’écartent de ce qui est perçu comme une saine gestion dans les autres classes sociales, mais un budget serré impose des modes de consommation et de dépenses spécifiques, écrit Denis Colombi. Les pauvres doivent faire preuve de plus de contrôle, de plus de travail et de plus d’intelligence que la moyenne pour parvenir à gérer la contrainte. Eh oui ! Parfois, ils font des dépenses inconsidérées et déraisonnables, ils font des erreurs, se trompent, sont irraisonnés ou capricieux, comme tout le monde, mais avec des conséquences considérablement plus lourdes. » .